INSTANT D'HUMEUR MARS 2017

Instantd’HumeurMars2017-01

Par Dr Antoine TSHIMPI

Bonjour Chers tous,

Je suis revenu hier d’un séjour dans un pays Africain voisin, où j’ai participé à des journées médicales sur les Maladies Chroniques Non Transmissibles que sont le Diabète, l’Hypertension artérielle, le SIDA, le cancer.

Outre la RDC, forte d’une délégation de 10 praticiens, six autres nations africaines y ont participé. Il serait malhonnête de cacher ce modeste sentiment de fierté africaine lisible sur les visages de chacun d’entre nous à l’issue de ces travaux de haut niveau ; nous l’avons dit à nos hôtes.

A mon retour à la clinique Marie-Yvette, pas de temps de répit puisque quelques urgences nous attendaient.

Parmi les patients, une femme venue de l’intérieur du pays. Elle ne peut plus manger correctement et a perdu 10 kgs en 1 mois (ça bloque à l’estomac quand elle avale). Les examens montrent malheureusement un cancer, évolué, du haut de l’estomac !

Un coup de massue pour cette patiente, qui, dès cette annonce qui déclenche un macabre compte à rebours, va devoir commencer un parcours de combattant, un parcours de survie.

La mort est inévitable dans les 3 mois si rien n’est fait. Il y a encore possibilité d’un traitement efficace pour sa maladie, mais toute la gamme (pas compliquée) du traitement n’est pas disponible en RDC. Quand on sait que sa famille a dû se cotiser pour qu’elle arrive à Kinshasa… Sa fille qui l’accompagnait était devenue presque hagard, le regard perdu. Elles ont promis de revenir me voir rapidement, mais j’ai peur que elle aussi, comme beaucoup de nos compatriotes, aille se cacher pour mourir (voir le précédent numéro d’Instantd’humeur : « le congolais se cache pour mourir !).

La journée mondiale de lutte contre le cancer a été célébrée le 04 février dernier.  

A cette occasion, la ligue nationale de lutte contre le cancer en République Démocratique du Congo (LINAC RDC) a organisé une journée scientifique d’échanges entre experts congolais en la matière. J’y ai participé. Bravo aux organisateurs.

Le constat est dramatique :

La prévalence de cancer ne cesse d’augmenter en RDC comme dans le monde entier ;

Parmi Les cancers les plus fréquents, il y a le cancer des poumons, du col utérin, du sein, du foie, du colon, de la prostate ;

En RDC, dans la majorité des cas, le diagnostic est fait tardivement, sans traitement curatif possible ;

Il n’y a pas de programme national fonctionnel de lutte contre ce fléau ; L’institut national de lutte contre le cancer, déjà proposé dans le passé, tarde à voir le jour.

Il n’y a pas de registre national du cancer ; il n’y a donc pas des statistiques fiables qui pourraient contribuer, notamment, à la formation des médecins, à la planification de la prise en charge de la maladie, à la sensibilisation de la population ;

Pourtant, ¾ des cancers sont curables !

Plus choquant, la plupart de ces cancers pourraient être évités ou dépistés tôt et bénéficier ainsi d’un traitement curatif :

Le vaccin contre le virus HPV (Human papilloma virus) chez la jeune fille protège contre le cancer du col utérin ; le projet de rendre accessible ce vaccin est toujours en attente ;

Le cancer du foie est provoqué dans plus de 80% en Afrique par une infection chronique par le virus de l’hépatite B ou C. Les dépister devrait faire objet d’un programme national puisqu’il existe un vaccin contre l’hépatite B, et des traitements efficaces contre l’infection chronique virale B et C.

Le cancer de l’estomac est provoqué par une infection chronique et fréquente (chez plus de 60% de la population adulte Rd Congolais), facile à diagnostiquer et à soigner ;

Le dépistage et le traitement du cancer du sein sont bien codifiés. De même pour le dépistage (habituellement à partir de 50 ans) et traitement du cancer de la prostate ;

Et je pourrai continuer !

Mais pourquoi, Bon Dieu, cette léthargie générale ? Pourquoi attendons-nous que cela arrive à un de nos proches, à nous-mêmes, avant de nous émouvoir puis de retomber dans l’inaction ?

Comment expliquer que la grande RDC ne dispose pas d’un seul appareil de radiothérapie, indispensable pour le traitement de certains types de cancer ?

Je vous jure que notre pays compte parmi ses filles et fils des experts reconnus dans ce domaine, comme dans plusieurs autres d’ailleurs, prêts à relever le défi.

La santé n’a pas de prix mais a un coût ; Le coût de la prise en charge du cancer ne devrait être une barrière pour notre grand Congo Démocratique.

J’aime beaucoup cette citation de Sénèque : « ce n’est pas parce que c’est difficile que nous ne faisons pas ; c’est parce que nous ne faisons pas que les choses sont difficiles ».

Dr Antoine TSHIMPI

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