Instant d'humeur par Antoine TSHIMPI. Décembre 2015

Chers tous,

Je saisis cette période pour vous présenter tous mes vœux de bonheur et de réussite pour l’année 2016 ; Qu’elle vous permette d’aller au bout de vos rêves.

Comme vous le savez, Je suis à Kinshasa depuis juin dernier, et prends ma mission vraiment à cœur, question de mettre la main dans la patte, de passer aux actes.

Je continue à former des jeunes collègues en Gastroentérologie et en endoscopie digestive aux cliniques universitaires, à participer à l’essor de l’endoscopie en RDC.

La clinique Marie-Yvette, spécialisée en endoscopie diagnostique et interventionnelle et dans la prise en charge des Cancers Digestifs, a débuté ses activités début décembre dernier, et a déjà pu prendre en charge un nombre conséquent des patients. Parmi eux, trois cas particuliers dont j’ai choisi de vous parler :

1. Une jeune fille de 14 ans, m’a été transférée il y a quelques jours, en urgence par une collègue, une de mes assistantes, de garde dans un grand hôpital de la place. C. présentait une récidive de vomissements de sang (plus de 3 litres), et s’asséchait et s’éteignait à vue d’œil. Sa chance était de rencontrer cette collègue qui m’a tout de suite contacté, avant de me l’adresser dans la nuit. La séance opératoire endoscopique a été houleuse, mes pieds baignaient dans une mare de sang, mais seul le résultat comptait. Résultat finalement heureux, puisque elle a pu être « récupérée », et a récupéré son sourire….de belle jeune fille, aux yeux de… Cristal (c'est aussi son prénom!).

Des séances supplémentaires d’interventions endoscopiques sont bien sûr programmées, mais quel bonheur d’avoir pu éviter la catastrophe ! Avant sa sortie de la Clinique, Cristal a eu la surprise d’avoir la visite d’une grande personnalité Congolaise, très soucieuse de la santé des Congolais, et très impliqué (et je dois dire facilitateur) dans ma démarche. Imaginez ces yeux brillants, un peu imbibés d’émotion. Je crois qu’elle s’en souviendra longtemps;

2. Le deuxième est moins réjouissant. Un de nos compatriotes est venu me voir en consultation il y a 2 jours, pour poursuite d’un traitement particulier. Il revient en effet d’un séjour de 6 semaines en Inde, pour un traitement non réalisable en Rd Congo, mais dont j’ai l’expertise. Coût du séjour médical en Inde : plusieurs dizaines de milliers de dollars ! Il paraissait épuisé, ne tenait pas sur ses jambes, et a beaucoup maigri. Après lecture de son dossier médical et examen clinique, le verdict est cruel : maladie très évoluée, incurable, avec mauvais pronostic à court terme. Difficile de convaincre certains de ses enfants qui ne jurent que par les propos « presque immuables » de mon confrère Indien, qui a promis la guérison. Je leur ai surtout expliqué que j’aurais sûrement déconseillé le voyage si j’avais été consulté avant. Après échanges, j’ai proposé des soins de confort (d’accompagnements).

En mars 2015, J’avais écrit un article sur la fin de vie, (lire sur mon blog antshimpi.over-blog.com). Le chantier reste immense dans notre pays tant les croyances, les considérations tribales, familiales, le poids social, etc. pèsent sur les options à privilégier. Ces options devraient, lorsque l’issue est imminente, se focaliser sur le respect de la dignité humaine, la volonté d’accompagner, de soulager sans s’acharner;

3. Le dernier présentait une récidive d’un volumineux cancer pour lequel il lui a été indiqué qu’il n’y avait plus de solution, sauf la prière. Il est venu me voir, en larmes, sur conseil d’un précieux ami commun. Après analyse du dossier, il m’a paru possible de lui proposer une opération, lourde mais vitale. Opération faite et réussie, chez nous en RDC, pour ce patient qui vient de passer les fêtes dans sa famille, débarrassé de cette tumeur qui grossissait quotidiennement.

J’ai vraiment un modeste sentiment d’être utile,

Très cordialement,

Antoine Tshimpi, Instant d’humeur, décembre 2015